Si les technologies numériques ont considérablement transformé notre quotidien depuis 30 ans, il peut être intéressant de se demander quelle est la place de l’Intelligence Artificielle dans le domaine artistique. C’est ce qu’a mis en lumière l’exposition « La Belle Vie Numérique » à la Fondation EDF à Paris. Un exposition dense, pleine d’humour, qui, tout du long, suscite réflexions et interrogations.
Ici, un zoom sur deux œuvres qui ont particulièrement attiré notre attention :
« Sparkling Matter » ou les rêves décoratifs : cette série d’œuvres, alliant le son, la technologie et les neurosciences a été réalisée lors de performances expérimentales sur le sommeil. Ainsi, à l’aide d’électrodes placées sur les participants endormis, les impulsions cérébrales ont été enregistrées et converties en compositions sonores par l’artiste musicien Matteo Nasini, reflétant l’univers de l’inconscient. Ces sources sonores ont aussi été matérialisées sous la forme de délicates sculptures en céramique grâce à un procédé d’impression 3D. Ainsi, les technologies numériques nous permettent de matérialiser et de s’immerger dans l’univers du sommeil. En contemplant ces « rêves décoratifs », le visiteur pourrait se demander s’il ne devrait pas craindre que dans le futur, ses rêves soient percés à jour…
« The next Rembrandt » ou la création d’un portrait post-mortem : l’entreprise Microsoft a soumis à son logiciel d’IA plus de 300 portraits de Rembrandt, afin de déterminer les caractéristiques techniques de la peinture du maître et d’en dresser un portrait-robot.
Le logiciel a ensuite modélisé la manière avec laquelle Rembrandt traduisait les traits et les proportions du visage. Pour un rendu encore plus réaliste, un algorithme a établi une cartographie des épaisseurs de la peinture et des couleurs sur la surface du tableau. Enfin, une super-imprimante 3D a exécuté la toile, générée à partir d’une combinaison de 148 millions de pixels et de 168 263 fragments des différentes œuvres de Rembrandt.
Le résultat, époustouflant, est sans nul doute une prouesse technologique.
On peut se demander si la frontière entre l’homme et la machine subsiste encore et si l’IA pourrait être considérée comme un «créateur» ou si elle est seulement un outil.
Alexis Aulagnier et Alexandie Lourie nous éclairent : « l'lA ne se comporte jamais autrement que comme un algorithme. C'est un outil aujourd'hui incapable de s'affranchir. Cela sépare l'lA de la création strictement humaine pour trois raisons : elle ne peut pas ressentir ; elle n'est pas dotée d’élan créatif, ni de subjectivité ; elle n'a pas la faculté d'effectuer le pas de côté essentiel à la création. »*
Si pour l’heure, la réponse semble évidente, elle laisse néanmoins place à une autre interrogation : « L’intelligence artificielle parviendra-t-elIe un jour à s'affranchir de l'homme en gagnant ce qui est sa qualité propre : l'esprit ? »*
* extraits du texte de Alexis Aulagnier, doctorant en sociologie à Sciences Po et Alexandie Lourie, Directeur Général de Groupe SOS Culture.